(Extrait d’un article écrit en 2010 pour le magazine Boardsport Source)
Créativité, auto-actualisation, choix humains, trois facteurs facilement attribuables à la réussite d’une entreprise, trois valeurs nécessaires à l’épanouissement de l’individu. L’un comme l’autre a besoin de progresser, de développer son potentiel et sa capacité afin d’être reconnu, apprécié, approuvé auprès de ses pairs. Parce qu’ils déferlent jusque chez nous, les tourments économiques actuels mettent en porte-à-faux la sécurité de nos organisations, et portent à nos conscience la fébrilité du monde. « Finalement, tout se fond en un, et au milieu coule une rivière », écrivait Norman McLean. Exploitez parfaitement votre rivière depuis sa source, et votre environnement -commercial et social- vous le rendra.
“Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.”
Si pendant longtemps la performance d’une société était réduite à sa dimension financière, consistant à atteindre un seuil de rentabilité par un chiffre d’affaires et une part de marché minimum, aujourd’hui la pérennité d’une entreprise résulte également de son comportement. Ainsi, sa responsabilité ne se limite plus aux actionnaires et décisionnaires, mais on prend en compte de nouveaux acteurs. Ces ‘parties prenantes’, ou stakeholders -définies par R. Freeman comme ‘tout groupe ou individu pouvant influencer ou être influencé par les activités de l’entreprise’, et qui sont soit contractuelles (salariés, actionnaires, clients, fournisseurs, …), soit diffuses (collectivités locales, syndicats, organismes publics, ONG, …)- exigent désormais d’être prises en considération. Et leur opinion devient vitale quant à la réussite et la pérennité de l’entreprise. C’est le concept de performance globale.
Une idée quarantenaire
Apparu au milieu des année 80, le concept de performance globale fait suite à la mise en place pour le compte de l’ONU d’une Commission sur l’Environnement et le Développement dirigée par la norvégienne Gro Harlem Brundland. L’objectif était d’inciter les sociétés à changer de comportement et à s’engager dans une politique de développement durable. La Commission Brundland exprime en 1987 le développement durable comme ‘un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs’. Ses principes passent par la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) énoncée comme ‘l’intégration volontaires, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec leurs parties prenantes’. Ces parties prenantes réclament des comptes sur la manière dont les entreprises mènent leurs activités et assument leurs impacts sur les employés, les actionnaires, les riverains, l’environnement, et les générations futures. L’engagement consiste donc à associer performance et responsabilité.
Personnel, Planète, Profit
Contrairement à la conception étatsunienne de la responsabilité sociétale issue de considérations éthiques et religieuses et qui se résume à des actions de guérison plus que de prévention, la vision européenne se porte essentiellement sur la perspective de contribution au développement durable. Cette approche européenne de la RSE se matérialise via le concept Triple Bottom Line : prospérité économique, respect de l’environnement, respect et amélioration de la cohésion sociale. Cet ensemble forme la performance globale que Marcel Lepetit définit en 1997 comme ‘un but multidimensionnel qui concerne aussi bien les entreprises que les sociétés humaines, les salariés que les citoyens’. Le principe fondamental de développement durable est d’équilibrer ces trois dimensions afin d’éviter que la quête de l’une d’elles ne se fasse au détriment des deux autres. Dans son implication, l’entreprise utilisatrice de ressources se doit donc d’investir ou de réinvestir d’une manière ou d’une autre une part de son gain afin de perpétuer son exploitation.
Siffler en travaillant
L’essence même d’une entreprise est d’améliorer ses performances de façon substantielle par une adaptation à son environnement. Désormais il faut envisager qu’elle ne sera performante financièrement à long terme qu’à condition d’être performante humainement et socialement. Il s’agit donc de s’assurer de l’efficacité de tous les intervenants sur chaque étape. La performance organisationnelle prend en compte la façon dont l’entreprise est structurée pour atteindre ses objectifs et comment elle parvient à les atteindre. Un des principes fondamentaux de la performance globale est d’intégrer les normes internationales des Droits de l’Homme et du Travail. Une bonne organisation sociale charpente les requis sur l’ensemble des postes. Cela passe évidemment par une ossature hiérarchique, mais dorénavant par une considération et une motivation de son personnel à travers différents aspects. Ainsi, d’après Frederick Herzberg, l’accomplissement, la reconnaissance, la responsabilité ou les plans de carrière sont sources de motivation car ce sont les besoins que l’employé, en tant qu’individu, va chercher à combler. Ceci au détriment de facteurs qui peuvent vite avoir un impact négatif s’ils ne sont pas contrôlés, comme les qualités et défauts de la hiérarchie, la politique d’entreprise, la rémunération, les relations et conditions de travail. L’Homme tend à un besoin de réalisation personnelle pour être idéalement opérationnel. Et si la compétence est un ‘savoir-faire’, la performance présuppose toujours l’existence d’un ‘vouloir faire’.
“Le principe fondamental de développement durable est d’équilibrer ces trois dimensions afin d’éviter que la quête de l’une d’elles ne se fasse au détriment des deux autres.”
En cette période où le phénomène « green » attire de plus en plus de sociétés et de marques, comment différencier celles qui s’investissent réellement des autres ?
D’abord leur stratégie de croissance n’est pas agressive mais réaliste et durable. De plus, elles réalisent un sourcing cohérent et responsable de leurs biens et/ou services. Elles procèdent aussi avec beaucoup de clairvoyance quand il s’agit de trouver de nouveaux employés, plus entrepreneurs que bureaucrates. Une entreprise investie se veut une plateforme qui alloue à son personnel la capacité de s’exprimer et d’influencer, d’être partie intégrante de la machine. Et pour justifier leur résolution, elles peuvent se permettre d’afficher ces données en totale transparence.
Mesurer la performance globale ?
Au-delà du fait que les objectifs et intérêts des diverses parties prenantes soient souvent divergents si ce n’est contradictoires, les dispositifs d’évaluation actuels ne permettent pas d’associer les dimensions environnementales et sociales à celles économiques et financières de manière équilibrée. Toutefois il existe des outils donnant une vision plus générale tels que le Balance Scoreboard (BSC), le Triple Bottom Line (TBL) et le Global Reporting Initiative (GRI), mais qui ne tiennent pas compte des corrélations actives existant entre les trois dimensions. Impossible donc d’en mesurer précisément et distinctement les degrés d’intégration ni le retour sur investissement. On peut donc se demander si le concept de performance globale, si impalpable, ne serait pas qu’une utopie, voire un mythe marketing ? Si c’est le cas, il a au moins le mérite de bouleverser la routine névrotique de certaines entreprises, et d’élever les consciences vers la préservation du capital planétaire pour une exploitation plus durable.